Face à la mutation et au vieillissement de la société, la gestion de la protection des majeurs incapables est devenue de plus en plus un argument de premier plan.
L’allongement de la durée de la vie, le nombre de personnes seules, âgées, de plus de 80 ans, touchées par la maladie d’Alzheimer, les handicapés arrivés à l’âge de la majorité, les malades mentaux, les exclus de la vie on ne peut que constater que la population des majeurs sous protection va sensiblement augmenter.
Certains majeurs, à cause d'une altération de leurs facultés mentales ou physiques consécutive à une maladie, à un handicap ou à un affaiblissement, ne peuvent pas pourvoir à leurs intérêts. Ils doivent donc faire l'objet d'une mesure de protection légale, qui réduit ou supprime leur capacité d'exercice.
En France, le régime français de protection des majeurs résulte de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968, qui comporte trois dispositifs: la tutelle, la curatelle et la sauvegarde de justice.
De plus, le législateur a prévu la modulation de chacun de ces dispositifs, de façon à permettre au juge de concilier la protection de la personne et de son patrimoine avec le respect maximal de la liberté individuelle.
Mais selon la plupart des opérateurs le normatif français n’est plus adapté.
C’est paradoxal, mais il parait qu’un régime de protection prévu pour défendre les majeurs incapables soit, en réalité, dévoyé à leur détriment à cause de son inefficacité et de son injustice.
Les causes principales de cette inaptitude de la loi sont reconductibles aux problématiques suivantes :
- le faible nombre de juges des tutelles qui empêche un traitement efficace des dossiers ;
- le fait que parfois, en raison d’un simple certificat médical, les juges accordent une liberté quasi-totale au tuteur ou au curateur parce qu’ils demeurent dans l’impossibilité d’y consacrer le temps qu’il faudrait à la plupart des dossiers qui sont soumis;
- le manque d’un contrôle efficace de la part du juge de tutelle sur la gestion des biens de la personne protégée ;
- le fait que la famille de l’incapable n’a pas directement accès aux comptes de gestion annuelle parce qu’ils sont directement et seulement adressés au juge ;
- le rôle et la rémunération du tuteur ne sont pas précisément définis par la loi ;
- quand la gestion des biens et des revenus est très aléatoire quand gérée par des associations ou des gérants privées.
Le Médiateur de la République française a dénoncé plusieurs fois auprès de l’opinion publique et de l’Association Nationale des Juges d’Instance sur l’imminente nécessité de réformer le système de protection.
En retournant aux trois dispositifs en vigueur on peut affirmer que la tutelle est le dispositif le plus complet. Il est réservé aux personnes qui ont «besoin d'être représenté[es] d'une manière continue dans les actes de la vie civile», soit parce que leurs «facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge », soit parce que la diminution de leurs aptitudes physiques «empêche l'expression de la volonté».
À partir du jugement d'ouverture de la tutelle, l'incapacité de l'intéressé est générale : les actes passés par la personne protégée sont nuls de droit. Le juge peut toutefois énumérer certains actes que la personne sous tutelle peut faire soit seule soit avec l'assistance de son tuteur.
Mais il existe plusieurs formes d'organisation de la tutelle. Selon la consistance du patrimoine de la personne protégée, le juge opte pour la tutelle avec conseil de famille ou pour l'administration légale sous contrôle judiciaire.
Le conseil de famille est constitué par le juge qui élit le tuteur et le subrogé tuteur. Alors que la gestion des biens est confiée à un administrateur légal, en général choisi parmi les membres de la famille proche.
Autrement, si aucune des deux formules précédentes n'est adaptée, le juge désigne un gérant de tutelle parmi les employés de l'établissement qui accueille la personne protégée ou désigne un organisme spécialisé qui assume la tutelle.
Le tuteur représente la personne protégée dans tous les actes de la vie civile. Il accomplit seul les actes de gestion et d'administration, mais il a besoin de l'accord du conseil de famille ou du juge pour les actes de disposition.
La curatelle constitue une mesure intermédiaire. Elle s'applique dans les mêmes situations que la tutelle, mais à des personnes qui ont seulement besoin d'être «conseillé[es] ou contrôlé[es]» dans les actes de la vie civile. La curatelle permet aussi de protéger le majeur qui, «par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté», risque de tomber dans le besoin ou de compromettre ses obligations familiales. Le majeur sous curatelle ne perd pas le droit de vote. Il peut effectuer seul certains actes, mais a besoin de la signature de son curateur pour les actes susceptibles de porter atteinte à son patrimoine. Selon l'état de la personne protégée, la curatelle est allégée ou aggravée
La sauvegarde de justice est la mesure de protection la plus légère. Temporaire, elle concerne les personnes qui ont besoin d'être protégées à cause d'une altération passagère ou limitée des facultés personnelles. La sauvegarde de justice peut également être prononcée en attendant qu'une mesure de tutelle ou de curatelle soit prise. Le majeur sous sauvegarde de justice dispose de tous ses droits, mais les actes qu'il a passés peuvent être modifiés ou annulés.
Malgré son apparente souplesse, le système normatif français de protection des majeurs est considéré pour le moins comme inadapté, en particulier aux besoins d'une population vieillissante. Une réforme a donc été envisagée par plusieurs voies.
De la réforme on s’attend le renforcement des droits des personnes protégées, prévoyant la possibilité d'anticiper l'organisation de sa propre protection et instituer le métier de mandataire de protection juridique des majeurs.
Il faut dire qu’il y a aussi beaucoup de malentendus dans la perception de cette procédure. En premier lieu le fait que la présence d’un avocat n’est pas obligatoire : il n’y a pas beaucoup des personnes qui lui font appel. La raison demeure dans l’imaginaire collectif des familles et des personnes âgées qui ont l’impression que la mise sous tutelle ou sous curatelle soit seulement une mesure administrative, et non pas une décision judiciaire.
Alors que le travail d’avocat est essentiel pour faire valoir la parole de la personne à protéger. Dans certains cas, la famille profite de la mise sous tutelle pour régler des problèmes internes, souvent entre frères et sœurs, et pour tourner la situation patrimoniale à leur avantage, au détriment de la personne âgée. Il faut donc rendre obligatoire la présence d’un avocat. A cet effet, la France a été condamnée en 2001 par la Cour européenne des droits de l’homme pour cette lacune judiciaire fondée sur les droits de la défense.
Si la présence de l’avocat était rendue obligatoire, de nombreux problèmes, qui découlent de ce vide judiciaire, seraient réglés. L’avocat pourrait, avec sa présence, conjurer beaucoup de difficultés, d’erreurs, d’escroqueries, par rapport à un individu à protéger trop souvent livrée avec les mains bien liées à l’arbitre de son protecteur.
De plus le fait que chaque année, le «protecteur» doit remettre à la justice un relevé des comptes de gestion de la personne protégée alors que les greffiers en chef n’ont pas toujours le temps d’éplucher les comptes, et d’en référer au juge s’ils y décèlent un problème, n’est pas une mesure suffisante pour empêcher les risques d’abus.
La moitié des mesures de protection est prise en charge par les familles, l’autre moitié se fait par l’intermédiaire d’un professionnel, c'est-à-dire les associations tutélaires ou gérant de tutelle. Mais il n’existe pas de statut professionnel, ni de charte du protecteur qu’il faut de toute façon rémunérer.
C’est aussi pour cette raison qu’il faudrait professionnaliser ce métier, établir un code professionnel.